60 ans pour un BREVET !!!

Mon Brevet cyclotouriste des Provinces Françaises (BPF)

Considérations sur la quête du TAMPON à travers la France profonde et quasi inconnue

 

Jumièges (76), mardi 25 juin 2019 à 16h : le responsable de l’accueil à l’abbaye met le coup de tampon de ce site -contrôle sur ma carte de route. C’est le 540° et dernier de ce brevet de cyclotourisme qui en compte 6 par département : 6×90=540. Je viens ainsi de terminer ce grand périple créé en 1951 à la FFCT par Maurice ROCHE qui souhaitait compléter l’autre grand brevet : le Brevet de Cyclotourisme National (BCN) où un seul contrôle par département est suffisant. Lauréat n° 197du BCN en 1977, je deviens celui du BPF en 2019 avec le n° 648.

Le Brevet

Ce brevet a pour particularité, comme certaines autres organisations de la Fédération, de pouvoir être fait sans limite de temps, heureusement pour moi puisqu’il m’aura fallu 60 ans pour le réaliser ! Je l’ai en effet commencé en 1960, j’avais 20 ans, lors de ma première année d’adhésion à la FFCT (qui comptait environ 6000 adhérents à l’époque) à travers mon club : l’Union des Cyclotouristes Toulousains (UCT). J’avais aussi démarré le BCN en même temps. Les premiers tampons sur les cartes de route ont été ceux des sites montagnards, centre d’intérêt principal d’un jeune cyclo plein de force. Si mon objectif était de terminer le BCN, ce n’était pas le cas du BPF ou j’envisageais plutôt des homologations partielles, provinces après provinces sans envisager la totalité, au gré des Voyages Itinérants (VI dans notre jargon), concentrations, manifestations cyclos diverses, circuits en étoile à partir d’un camping comme camp de base.

Après un bon départ dans cette quête, celle-ci avait ralenti par suite d’obligations professionnelles et familiales pour reprendre plus tard, incité par ma compagne équipière du tandem.

Cette longue période a rendu tangible l’évolution socio-économique du pays ; en effet ce brevet vous expédie vers des sites soit très connus (le Mont ST Michel par exemple) soit très isolés et inconnus, sauf des érudits locaux (Montigny les Charlieu en Haute Saône par exemple) ce qui augmente l’intérêt de la découverte de ces lieux ou rien ne nous inciterait à aller s’il n’y avait pas de pointage à faire… Ces derniers font partie des petites villes et villages actifs dans les années 1950 mais atteints par la désertification rurale et la dépopulation. On a le cœur serré en parcourant des rues entières dont les façades des commerces fermés affichent le panneau « à vendre », où la mairie n’ouvre que quelques heures par semaine. Cela a une conséquence directe pour le cyclo qui cherche désespérément à faire viser son sésame : la carte de route avec le tampon de la localité et oblige en dernier recours à faire une photo du vélo devant le panneau routier marquant l’entrée du lieu pour attester de son passage.

 

 

La carte de Route

La carte de Route c’est l’outil de base du Brevet, support du graal cyclo : le tampon ! : au recto des informations de base sur le participant, le département et la province concernés, des informations diverses changeant au fil du temps, au verso 6 cases avec le nom du site et la date de passage. Les cartes les plus anciennes avaient même 2 cases supplémentaires au verso pour rajouter un ou deux sites jugés intéressants. S’y ajoutent des consignes au pratiquant ou au contrôleur. En voici un florilège : flatteur pour le cyclo qui tend sa carte, administratif quand il rappelle le sérieux de l’affaire au propriétaire du tampon :

– Le cyclotouriste est un cycliste d’élite, sur la route il montre l’exemple en respectant le code.

(C’est quelque fois un exemple d’oxymore si on le prend au second degré).

– je voyage à bicyclette. Cette carte de route témoigne de ma participation à un Brevet de Tourisme. (C’est sobre).

– je suis cyclotouriste. Je participe à un grand brevet de tourisme à travers toute la France. Je circule uniquement à bicyclette et en témoignage de mon passage dans votre localité, je vous serais très obligé de bien vouloir apposer sur cette carte, un cachet souvenir. Merci. (C’est lyrique).

 -des extraits du règlement. (Attention à son respect sinon menaces…)

– La FFCT demande aux Pouvoirs publics, administrations, industriels, commerçants et particuliers de bien vouloir s’assurer que le participant se déplace effectivement à bicyclette et de lui réserver le meilleur accueil en lui apposant un cachet humide lui facilitant l’obtention de ce brevet de pur tourisme. Merci. (C’est déférent).

 

D’abord au format « carte Michelin au 1/200 000° » pour s’adapter au rabat du sac de guidon de l’époque (acheté à bon marché dans les boutiques Le Coq sportif ou La Hutte), sa taille diminuera un peu par la suite. Façonné dans un carton assez rigide, il était de couleur marron clair pour le fond avant de passer par plusieurs teintes : Blanc, bleu, vert…Le papier était même glacé à une certaine période, ce qui s’avéra peu judicieux car l’encre du tampon avait tendance à baver lors de l’impression puis s’évaporer et effacer toute trace !

La religion du TAMPON :  but ultime et sacrosaint de la pérégrination

Le contrôle consiste à recueillir sur la carte de route un cachet portant le nom de la localité en se rendant dans un commerce ou un organisme en possédant un comme une mairie par exemple, l’Office de Tourisme, La Poste…Mais ce n’est pas aussi simple qu’il y paraît pour faire comprendre ce que l’on souhaite. J’avais fini par trouver une formule finalement assez efficace en demandant « un tampon du commerce » quand on s’adresse à un commerçant.  L’affaire est aussi facilitée quand le carton BPF a déjà ses cases partiellement garnies. Dans une maison de la presse, j’achetais systématiquement une carte postale ou prenais une consommation si c’était un bar pour remercier du service rendu. Quand ils sont ouverts, Offices de Tourisme et Maisons de la Presse sont les plus accueillants.

Voici un petit florilège de cette recherche :

-chez un commerçant : après avoir longuement expliqué ma démarche qu’il avait du mal à saisir semble-t-il, j’ai vu enfin avec soulagement celui-ci ouvrir un tiroir sous la caisse enregistreuse, en sortir le tampon tant convoité, le brandir au-dessus de ma carte puis au moment de l’abaisser proférer un non retentissant et ranger cet accessoire dans le tiroir d’où il venait. Crainte possible d’un contrôle administratif ? (Les impôts…) on ne sait jamais !

-A la poste : refus du préposé m’expliquant que comme représentant incorruptible du service public, « il ne pouvait pas engager l’administration ».

– un contrôle étonnant : avisant une petite boutique arborant l’enseigne « Tabac-Presse », j’y pénètre ma carte à la main prévoyant déjà l’achat de la carte postale habituelle. En l’absence temporaire sans doute du responsable je jette un regard circulaire autour de moi et à ma grande surprise me retrouve…dans un magasin de lingerie féminine ! spectacle agréable certes mais inattendu et peu usité dans ce type de quête. C’est en ressortant que j’ai compris le mystère : les 2 boutiques avaient une entrée commune !

Enfin, beaucoup de variétés dans le contenu du tampon : du plus sec et administratif (nom raison sociale, lieu et téléphone) à la gravure d’un monument local.

La localisation des sites se faisait d’abord sur la carte Michelin au 1/200 000 puis sur les cartes IGN au 1/100 000 (suite à un accord de partenariat avec l’IGN) avec des repères : numéro de la carte, numéro du pli, distance par rapport aux bords des plis pour les trouver aisément. Le Guide des Bonnes Adresses (GBA) outre la liste de contrôles et ce qu’il y avait à voir comportait même certaines années un bord de couverture gradué en cm pour le retrouver plus facilement ! Il figurait en bonne place dans le sac de guidon grâce à son petit format. La numérisation fédérale a eu raison de lui.

Le suivi et l’archivage

Cette activité est très prisée par un certain nombre dans notre milieu cyclo et occupe les soirées d’hiver. Elle recouvre des pratiques diverses et variées pouvant s’ajouter : les uns notent scrupuleusement tous les cols gravis, d’autres toutes les sorties, d’autres l’état d’avancement des BCN-BPF, les randonnées Permanentes…Les supports sont liés à sa génération ; quand je me suis lancé, la boîte à chaussures utilisée par nos anciens et contenant les photos de mariage, baptême, communions… était passée de mode et on n’était pas encore rentré dans l’ère actuelle du tout numérique. Une visite chez Louis ROMAND et Jacques DUBOCS avait montré au débutant que j’étais comment des cyclos confirmés géraient leur pratique. Ce qui m’avait conduit à créer des classeurs par Province regroupant les départements concernés introduits par le blason historique suivi de la carte de route et des cartes postales des 6 sites. La désertification rurale a rendu difficile dans quelques endroits la procuration d’une carte postale. Un récapitulatif suivait l’avancement de l’affaire : le département était pointé : en cours, fait, homologué.

Conclusion

Un flot d’images dans la tête, partout des centres d’intérêt (paysages, monuments…, même modestes) y compris dans des endroits à priori semblant peu attractifs à cause de leur image dans la pensée collective. Le fait d’aller d’un site officiel à l’autre en fait apparaître d’autres aussi attractifs, il faudrait presque une autre vie de cyclo pour continuer les découvertes.

C’est maintenant devant la télé en regardant des émissions sur la 3 comme » des Racines et des Ailes ou la 5 « Echappées Belles » que l’on sursaute souvent en se disant : mais j’y suis passé !