Les Monuments aux Morts
Dans la lecture des paysages urbains, et parmi les monuments de nos villes, se trouvent dans toutes nos communes un certain nombre d’entre eux qui ornent les places centrales de nos villages même les plus humbles : les monuments aux morts ; des listes, trop longues, hélas , de noms y figurent et témoignent des énormes pertes en vies humaines que provoqua la Grande Guerre de 14-18 ( 1 400 000 morts et le double de blessés) en particulier dans certaines classes sociales : paysans majoritaires dans l’infanterie, cadres moyens et supérieurs ( ingénieurs, enseignants) souvent officiers de réserves dans des grades qui les conduisaient à s’exposer au feu de l’adversaire à la tête de leur compagnie.
C’est souvent qu’au cours de nos randonnées, nous faisons une pause sur ces places pour un rendez- vous, une pause ravitaillement… ; ils méritent un peu d’attention de notre part en particulier sur le choix de la statuaire qui a présidé à leur édification.
Ils ont été érigés dans les années 20 (la plupart entre 1919 et 1923) par les communes avec une aide de l’Etat, proportionnelle aux nombres de soldats disparus et des souscriptions ; cette aide eut plusieurs conséquences :
+des communes ont « emprunté » à d’autres des disparus pour avoir une aide plus conséquente.
+elle a fait vivre tout un peuple de sculpteurs de valeur artistique très variable qui proposaient parfois des modèles sur catalogue.
+seules de très rares communes n’ont eu aucun soldat tué au cours de ce conflit.
Ces monuments font encore l’objet autour du 11 Novembre, du 8 mai ou de la fête votive du village d’un rituel social très codifié qui tend à se modifier de plus en plus à mesure que l’on s’éloigne dans le temps de cette période : dépôt de gerbe en présence des corps constitués, des enfants des écoles, discours, sonnerie militaire « Aux morts », défilé de troupes et d’anciens combattants. Il se déroule dans le temps et l’espace dans des lieux précis et en se succédant : place du village, mairie, église avec messe solennelle…
Un coup d’œil, même rapide permet d’en distinguer plusieurs types, dont le choix a dépendu des tempéraments politiques locaux à l’époque où ils furent érigés, soit dans un espace civil soit dans un espace religieux (église, chapelle, cimetière attenant, etc…):
Le monument civique le plus répandu
C’est une stèle, nue, parfois sous forme d’une pyramide, érigée dans un espace dominé par la mairie, avec, pour toute inscription, outre le nom des morts, la formule consacré : « la Commune de ……. à ses enfants morts pour la France ». La stèle ne comporte aucun emblème allégorique si ce n’est la Croix de Guerre, décoration due aux morts pour la France. Le dépouillement ultime est atteint quand on en arrive à une simple plaque au mur de la Mairie ou dans l’église, mais l’essentiel du devoir de mémoire est fait : civisme et souvenir.
Ces monuments sont les plus fréquents et les plus laïques.
Le monument patriotique
Il se dresse, comme le précédent, bien en vue, à un carrefour où une place publique. Les inscriptions évoquent ‘honneur, la gloire, l’héroïsme. Des statues allégoriques apparaissent : coq gaulois, victoires aux ailes déployées accompagnant ou non des statues de Poilus triomphants brandissant un drapeau, foulant un casque à pointe, montant la garde. C’est un monument à la Victoire.
Le monument patriotique funéraire
C’est une variante du précédant : le Poilu est blessé ou agonisant, comme à Saurs dans le Tarn. Ils sont souvent près de l’église ou du cimetière, ils peuvent porter une croix. Une variante plus simple peut être un drapeau sur une tombe ou sur une croix. Ils glorifient le souvenir des morts et leur sacrifice.
Le monument pacifiste
La référence à la Patrie, à la France peut disparaître, des soldats mourants ou morts sont représentés avec réalisme.
Ces gisants sont veillés par des pleureuses comme à Lodève, une mère ou et une épouse comme à Lavercantière dans le Lot (celle qui a servi de modèle avait perdu son mari et son fils dans le cataclysme), ou un frère d’arme : c’est un témoignage de compassion que traduit l’inscription de celui de Lavercantière : « PAOURES DROLES ».
Plus engagés dans la contestation ils peuvent porter des inscriptions contre la guerre, appuyées d’une statuaire adéquate comme à Gentioux dans la Creuse où un enfant lève le poing devant l’inscription « Maudite soit la guerre ». Ce monument présente 2 particularités : la première c’est qu’il il a fallu attendre 1981 et l’arrivée des socialistes au pouvoir pour qu’il soit inauguré et la seconde a voulu que ce village se trouve sur le trajet qui conduit au camp de La Courtine ; en conséquence les officiers faisaient détourner la tête aux troupes qui passaient devant dans les années 20 et 30 en arguant du fait qu’il fallait dire non à la guerre offensive mais oui à la guerre défensive. Les stratèges apprécieront.
Ces monuments purement funéraires soulignent l’ampleur du deuil sans le justifier et penchent donc vers le pacifisme.
On pourra ainsi un peu plus de sens à ses monuments au cours de ses randonnées lors d’un arrêt sur la place du village. Un regard même rapide est suffisant pour saisir l’esprit qui a présidé au choix du monument.
Pour approfondir ce thème, on pourra se reporter à l’ouvrage « Les Lieux de Mémoire » éditions Gallimard ou à la revue fédérale n°485 d’Octobre 2000 qui a consacré un dossier à ce sujet.
Monument patriotique – Saint Affrique (12)
Monument patriotique funéraire – SAURS (81)
Monument civique – Sainte Cécile (81)
Monument pacifiste à GENTIOUX (23)
Monument pacifiste – Lavercantiere (46)
JF RINGUET