CYCLOTOURISME et LITTERATURE
Gabriel Chevallier : les héritiers Euffe
« Les héritiers Euffe », c’est le titre d’un ouvrage de Gabriel Chevallier, (l’auteur du roman très connu « Clochemerle » paru édit en 1945 et paru aux éditions PUF (Presses Universitaires de France) puis réédité en 1965 aux éditions Brodard et Taupin. Il met en scène la bourgeoisie de Grenoble dans les années trente. Il décrit le milieu des cyclotouristes grenoblois en connaisseur attentif de nos pratiques dans l’un des chapitres de cet ouvrage toujours disponible en librairie.
Voici un extrait :
La préparation de la randonnée
Brusquement, le vendredi 2 mai, il y eut un petit coup de printemps. Ce n’était pas un printemps bien affermi mais on sentait son haleine de lilas et le ciel, au-dessus des pics reparus avait tendu un beau bleu d’étendard neuf. Il est certains passages des saisons ou les femmes ont des épanouissements de fleurs, lourdes de pollen. Les Grenobloises, sautillant des hanches, se mirent à sourire et à être belles, et les Grenoblois y virent un présage. Mais était-ce avant -gout, signal ou duperie ? Il fallait encore attendre pour se prononcer. Il arrive que le printemps dauphinois fasse de faux départs et donne de fausses joies
Le samedi teint les promesses de la veille La Bastille s’éveilla sous un éclairage qui ne pouvait tromper.la qualité de la lumière qui faisait scintiller le Moucherotte et le Saint Eynard annonçait une journée réussie. Des milliers de cœur se mirent à battre sur un autre rythme, et les chansons affluèrent aux lèvres. Les jolies cyclistes grenobloises animèrent les avenues de leurs chevauchées gracieuses et du spectacle de leurs jambes agiles. On reprit les projets abandonnés. Le bonheur fut une chose d’une simplicité merveilleuse qu’on touchait déjà de la main.
Ce jour-là, vers treize heures, dans la rue Turenne, un homme descendait les escaliers d’un immeuble en portant sur l’épaule une précieuse bicyclette, teintée d’aluminium, qu’il prenait grand soin de ne pas heurter contre les murs. L’homme sortit du couloir, vint accoter sa machine au trottoir et se mit en devoir d’achever les préparatifs par quoi un fanatique du cyclotourisme procède à une longue randonnée méthodiquement conduite.
Ce fervent cycliste avait lui-même une tenue étudiée pour la pratique de son sport favori. Il portait des pantalons de golf qui laissent le genou bien libre pour pédaler et dont les poches étaient fermées par des languettes de sécurité. Il avait des chaussettes de laine qui tiennent le pied chaud dans la chaussure basse et légère un chandail de laine par-dessus la chemisette, et par-dessus le chandail un blouson de toile imperméable, façon ski, qui s’ajustait au moyen d’une fermeture Eclair.
Le cycliste soupesa sa machine avec satisfaction heureux de se dire que son poids allait à peine à 11kilos, avec ses pneus demi ballon en pur para, ses deux freins infaillibles, ses dérailleurs, ses garde-boues, son timbre puissant, son éclairage électrique et le compteur de vitesse. C’était ce qui se faisait de mieux en machine de ce genre, tous accessoires duralumin, à la fois robuste, pratique et légère. Avec la même satisfaction, soulevant les roues l’une après l’autre, il les fit tourner, vérifiant le centrage impeccable des jantes. Il fit sauter la chaine sur chacune des huit dentures qui donnaient des multiplications variant entre deux mètre dix et sept mètres soixante, gamme étudiée pour passer partout, malgré le pourcentage des pentes, la qualité des chemins ou la résistance du vent.
Cela fait, le cycliste s’occupa de son équipement. C’est à dire qu’il fit entrer dans ses sacoches et arrima sur son petit porte- bagages un petit attirail de camping, des vivres, une trousse à pansements, un nécessaire de réparation, une petite gourde d’alcool, ses outils bien accessibles, etc. Chaque chose avait sa place, intérieure ou extérieure, choisie en fonction du besoin de l’objet. Tout était serré par des courroies ou des attaches élastiques…Quand ce fut terminé, l’homme se recula pour contempler sa machine, se demandant s’il n’avait rien oublié. Et précisément :il avait laissé en haut sur un petit coin de cheminée, une petite boîte contenant un faux maillon de chaine, des capuchons de valve, du chatterton…
Fin de l’extrait
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cyclotourisme et littérature –
Jean François RINGUET
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